Le prêche du 20 juillet 2025

Moi j’aime bien découvrir l’autre par une gestuelle appropriée.

Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,

Croyez-moi, le métier de détective privée, c’est pas de la tarte. Après l’affaire « Tout de Go », une enquête qui sort aux Éditions de la Luxuriance, j’ai promis à ma chérie de ne plus m’exposer. Faut le reconnaître, j’ai bien failli y rester et mon intrépidité a mis mes proches en état d’inquiétude. Alors j’ai fait la promesse farfelue de ne plus m’occuper que d’adultères, au prétexte que c’est un peu moins cher, mais nettement moins dangereux.
C’était sans compter l’interventionnisme de Sœur Maria, ma mère sup’, qui s’est engouffrée dans la brèche et a envahi mon mental pour me faire la morale.
— Ma fille, tu t’embourgeoises. Qu’est devenu ton sens de l’humilité ? Seuls les riches font appel à un détective privé pour régler leurs sordides problèmes de fidélité. Tu n’as pas d’obligation de ce côté-là, mais tu as des devoirs face aux plus humbles.
C’est pas faux. Défendre la veuve et l’orphelin est plus noble que de donner au cocu les moyens d’exercer son ressentiment. Et puis quoi ? Ai-je une quelconque appétence pour ces êtres perdus dans des croyances faciles et qui érigent des prisons en leur donnant le nom d’Amour ?

L’adultère ramène à la fidélité, Sœur Maria a raison de me le rappeler. Mais de quelle fidélité parle-t-on ? De celle qui consiste à cacher à l’autre nos appétits ? De celle qui consiste à nier en soi ces mêmes appétits ? Ou, plus simplement, de l’art de bien dissimuler ses frasques ?

Et puis, de qui parle-t-on ? Seul le mâle paternaliste et suffisant pense que la femme n’a pas d’appétit, ou ne devrait pas en avoir. Je l’emmerde, j’ai toujours eu de grands appétits. Cet homme-là devrait se taire. Par simple décence, on ne parle pas d’aspirations féminines lorsqu’on parsème son existence de « petites giclettes ». Du fin fond de son histoire, le mâle protège l’idée qu’il se fait de sa descendance. Raison principale de son entêtement à réduire la femme en esclavage. Nous nous aimerons pour la vie et tu ne connaîtras que ma semence. Pauvre tache, homme moderne de mes deux ovaires, tu ne sais même pas ce qu’est cette vie que tu confonds toujours et encore avec tes émissions télé !
Je m’énerve, mais fallait que ça sorte.

Moi, j’aime bien découvrir l’autre par une gestuelle appropriée. Ce continuum sur la forme entre l’entrevu et le caressé : un chemin menant à l’extase. Assurément, il y a du divin dans l’acte d’amour.
J’aime aussi beaucoup être témoin des dérapages de ma chérie, ces instants où elle ne maîtrise plus ses instincts. Soudain, elle s’oublie de désir, s’entraîne dans de chauds débordements. Elle me revient toujours, tard et toute crottée, parfois blessée. Et ma tendresse et moi sommes là, disponibles pour lui redonner une raison de se pardonner, de s’aimer à nouveau. Ces incartades et leurs conséquences sont autant d’aveux de sa fragilité, et je suis fière qu’elle m’accorde pareille confiance. Ce sont autant de déclarations d’amour qui se passent de mots.

Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, si vous désirez vivre en amour, alors soyez un livre ouvert sur vos passions, que l’autre y puise le savoir nécessaire pour avancer à vos côtés. Parlez avant de commettre, écoutez pour admettre, renoncez devant l’absurde. Si l’autre ne peut vous entendre, alors partez. Vivre en amour est une quête, se chercher un port : une conclusion.

Et l’infidélité dans tout ça ?
L’infidélité, c’est l’esprit qui n’a plus de curiosité pour l’autre, plus d’émerveillement pour son essence. L’infidélité, c’est omettre sans cesse. L’infidélité, c’est se jouer de l’autre tel un faussaire. L’adultère n’est qu’un passage à l’acte, l’émergence d’un monde souterrain où le secret et le mensonge dominent. C’est là que je suis censée glisser ma carte de visite : Bertine Van de Loo, enquêtes à toute heure, diplômée d’État.

Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, ma mère sup’ a raison : l’amour étroit ne nous élèvera jamais au-dessus du règne animal, donc ne peut être que d’essence satanique. Je vais devoir réinventer la notion d’enquête sur adultère pour préserver mon âme. Allez en paix rejoindre le repas dominical où, le vin aidant, vous pourrez discourir de vos émois auprès de vos moitiés tant aimées.

Sœur Bertine