Le prêche du 15 juin 2025
Les belligérants font appel à Dieu.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
C’est bien connu, les meilleures guerres restent celles de religion. On y massacre avec vaillance, on y torture avec démesure, on y viole avec allégresse. Quoi de mieux qu’une bonne guerre de religion ?
Lorsqu’on observe les belligérants, ça vous saute immédiatement aux yeux : tous mentent comme ils respirent, jouissent ouvertement des souffrances qu’ils infligent, transforment le travail des laborieux en outils de destruction, et se bourrent les fouilles du fruit de leurs razzias.
Si nous avions deux doigts de bon sens, nous ne nourririons pas l’absurde. Vous savez, cette déraison que personne ne veut ni voir ni prendre en compte, et qui couvre d’un voile pudique l’immonde instinct de domination animant l’humanité.
Si c’était drôle, nous pourrions en rire. Parce que, du point de vue du cynique, les guerres de religion sont amusantes. Nous savons tous que le cynisme est un ersatz de l’intelligence, mais laissez-moi tout de même développer ici l’idée qu’il y a une « situation comique » dans les guerres de religion, et que les gens qui s’y adonnent sont des clowns sanglants, perdus à des années-lumière de toute spiritualité.
C’est d’ailleurs le premier élément comique : chez ces gens-là, on prie et on tue. On tient le livre sacré d’une main, et le fouet de l’autre.
Rigolons, donc…
Tous se réclament d’un Dieu unique, et invariablement de leur côté. Comme il y a deux côtés (pour faire simple, on n’est pas au Liban), il y a deux Dieux uniques, invariablement de leur côté. Amusant, non ?
Bon, il est unique ou pas, leur Dieu ? Moi, là, j’ai du mal à suivre.
Ah ! J’ai rien compris : le Dieu de l’autre côté n’en est pas tout à fait un, c’est le Diable.
Vingt Dieux, tout s’explique — mais rien ne s’arrange, maintenant ils sont quatre.
Reprenons.
Le premier belligérant, que nous appellerons « A », dispose d’un Dieu unique, forcément bon, pacifiste et généreux, et dénonce son adversaire, que nous appellerons « B », comme suppôt d’un Satan affreux, sale et méchant. C’est clair pour tout le monde ? Il y a un gentil « A » et un méchant « B ». C’est simplissime, et beau comme le manichéisme.
OK, passons de l’autre côté et refaisons nos comptes.
« B » dispose d’un Dieu unique, forcément bon, pacifiste et généreux, et dénonce son adversaire comme suppôt de Satan affreux, sale et méchant. Ici, « B » est le gentil et « A » le méchant. Toujours limpide.
Passons à l’addition :
Nous avons donc deux gentils, deux méchants, deux Dieux uniques, bons, pacifistes et généreux, et deux Démons affreux, sales et méchants. Vous me suivez ?
Et tous les jours, des brassées de laborieux se recueillent dans des lieux saints.
Ils s’y sentent à l’abri des aléas de leur existence.
Ils ont cette merveilleuse naïveté d’âme pour laquelle je m’émeus toujours.
Il y a de la beauté dans la ferveur, c’est indéniable.
Mais cette merveilleuse naïveté d’âme alimente aussi ce brouillard de la conscience qui nous permet de ne pas nous apercevoir que nous soutenons l’absurde, ce voile pudique dissimulant notre condition d’esclave.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, la foi, c’est personnel. Une foi partagée produit inévitablement le poison de la servitude. Le vin et le pain sont collectifs. Ils ouvrent la parole, donc le chemin menant à la paix.
Alors je vous souhaite un tas de bonnes choses à boire et à manger, pour faire passer l’absurdité du moment.
Sœur Bertine