Le prêche du 13 avril 2025
La Grande Régression
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
Aujourd’hui, c’est les Rameaux. Ce matin, très tôt, ma chérie se procura des branches de bouleau et d’eucalyptus. C’est une tradition. Au lieu d’une procession, nous allâmes au sauna, au fond du parc. Après avoir longuement sué en papotant, nous sortîmes sous l’ondée. Dans la nuit fraîche, sous le chant obsédant des rossignols, les bras levés au ciel, en hommage aux peuples slaves où vont fréquemment mes prières du matin, je me suis offerte. Alors, suivant les traditions de ces peuples barbares et grandioses, elle me fouetta de bouleau et d’eucalyptus.
Je vous résume nos échanges par 90°.
Si nous devions coller un titre à l’époque que nous traversons, ce serait : la Grande Régression. C’est une thématique à laquelle je reviens fréquemment et que je partage avec mes sœurs : le masculin est-il mortifère ? Un peu comme ces chats mâles qui bouffent leurs petits.
La domination masculine de cette planète a atteint un tel degré de médiocrité que je me pince pour être sûre de ne pas rêver. Ainsi, cette semaine, l’actualité a réussi à nous envahir, et deux hommes à se distinguer par l’étroitesse de leur âme.
Le premier, journaliste à la botte des cathos, nous a expliqué que les féministes n’étaient que des cageots mal baisés, aigris par le fait qu’elles n’attiraient pas les grands séducteurs.
Oh man ! Faut pas nous faire des coups comme ça. On a failli s’étouffer de rire dans les vapeurs du sauna. Rougeaudes, entre deux hoquets, en évoquant sa face falote qu’il cache tant bien que mal derrière une barbe rachitique et des lunettes d’instituteur, on s’est demandé s’il osait se mettre dans la catégorie des grands séducteurs.
En tout cas, la question reste : comment, en 2025, peut-on étaler pareillement sa connerie au grand jour ? Faut pas avoir d’amour-propre.
Le deuxième est — pardon, était — comédien. Lorsque je pense à lui, c’est le mot pathétique qui me vient à l’esprit. Je ne sais pas s’il était bon dans son métier, le cinématographe m’indiffère totalement, mais sa filmographie est impressionnante. Enfin, là n’est pas le sujet, je veux juste vous parler de sa grande passion : les orifices.
Le premier, situé en haut, rappelle Gargantua : ce type ne mange pas, il se gave. Plus c’est gras, plus il en reprend.
Le deuxième, c’est les femmes. Pour lui, assurément, une femelle ne se définit qu’au travers des orifices qui la composent — peut-être aussi un peu par les tétines, mais c’est comme un vol-au-vent, une entrée.
Comme la nature est impitoyable avec les orifices, à force, le premier a rendu inaccessibles les seconds.
Mais ça ne le gêne pas plus que ça : il continue à fourrer ses mains adipeuses dans des culottes, à pincer des fesses par-ci par-là, sans se poser trop de questions.
Aujourd’hui, le voilà coupé de la réalité, tenant à peine sur ses jambes, méprisant et éructant, face à la mort qui ricane dans son dos, aux asticots qui salivent d’avance en matant ses rondeurs.
Ce type a englouti un fric de dingue, comme dirait Manu, pour se raconter une fable. Peut-on imaginer pire échec que cette vie de merde, consacrée exclusivement à la ripaille, à l’auto-congratulation et au sexe ?
Faut pas avoir de spiritualité.
Mes bien chères sœurs : je n’ai pas de conseils à vous donner, j’ai fait vœu de chasteté — enfin, presque. Il n’y a rien de raisonnable à céder aux avances d’un homme. Mais nul ne progresse dans la raison.
Mes bien chers frères : vous m’ennuyez. Sous couvert de cette pudeur que vous imposez aux femmes, vous entretenez autour du sexe le secret, le péché. Tous ces mensonges n’existent que pour mieux nous tromper, nous abuser.
Et curieusement, ça marche dans les deux sens. J’aimerais pas être un mec.
Restons-en là, mais sachez-le : j’ai deux poches sur le devant de ma robe de bure : la première contient les épingles, indispensables à toute bonne carmélite déchaussée ; la seconde contient mon rosaire. À ses côtés, en paix, repose mon cran d’arrêt.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, n’oubliez pas que le carême ne se termine que jeudi prochain.
Sœur Bertine