Le prêche du 27 avril 2025
Lorsqu'une victime devient une survivante
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
Vous pourriez penser me voir profiter de l’occasion pour en faire des caisses sur la mort du pape, me répandre honteusement en louanges aussi fausses qu’appuyées, mais non. Je suis trop à la merci de ma foi pour me jouer d’évidences nauséeuses.
Non, ce dimanche, toute mon émotion se porte sur le drame survenu ce vendredi 25 avril 2025 : le suicide de Virginia Roberts.
J’en vois plein qui dégainent leur tamagotchi pour chercher qui c’est, celle-là. C’est vrai, elle est moins connue que le pape, je vous le concède, mais elle a fait un truc qu’aucun pape ne fera jamais : avoir le courage de s’attaquer frontalement aux milliardaires qui trompent leur ennui dans des enfants.
En passant, ce n’est pas un petit courage qu’elle a eu, Virginia, c’est une montagne de gros courages enfilés les uns sur les autres, avec une pugnacité digne de ces révoltes dont ont besoin toutes les victimes de ces gens-là.
Parce que, ces gens-là, après t’avoir possédée sous tous les angles, humiliée d’infamies, jetée en pâture à leurs complices, ils attendent ton silence. Ils sont grands, et tu n’es qu’une petite roulure devenue suffisamment défraîchie à leurs yeux pour qu’ils te lâchent enfin la grappe.
Il y a une photo sur laquelle j’ai pleuré ce matin. Elle pose aux côtés du prince de mes deux ovaires ; ce sinistre qui s’offre le luxe d’illustrer sa domination d’un bras possesseur autour de sa taille. Il est fier de baiser cette gamine, comme un chasseur posant au côté de la dépouille du tigre qu’il vient d’abattre.
Le premier qui me dit qu’elle a l’air heureuse sur la photo, je descends de ma chaire lui en coller une. Il faut juste être indemne pour porter pareil jugement.
Dans cette affaire qu’on pourrait titrer : « Le bal des intouchables », ou bien encore : « Riches, influents et non-coupables », le joyeux organisateur qui, grâce à l’entêtement de Virginia, s’est fait coffrer, a finalement pris la décision qui s’imposait : il s’est intelligemment « suicidé ». C’est ballot.
Il y a aussi ces avocats, défendeurs de l’indéfendable, qui avaient eux-mêmes abusé de la pauvre gosse. Je vous laisse imaginer le courage qu’il faut pour endurer les sous-entendus sordides d’hommes de loi qui ne sont autres que vos violeurs d’hier.
Je vous laisse quelques secondes pour réfléchir à la chose, en votre âme et conscience…
Pour en finir
La particularité des papes, c’est qu’ils se ressemblent tous et ne servent pas à grand-chose.
La particularité de Virginia Roberts, c’est qu’elle est unique et indispensable.
Pour information : le papillon bleu Morpho qui illustre ce prêche est le symbole de Victims Refuse Silence, une association créée par Virginia ayant pour objectif, je cite :
« d’aider les survivants à surmonter la honte, le silence et l’intimidation que subissent généralement les victimes d’abus sexuels, et d’aider les autres à échapper au trafic sexuel. »
Elle a choisi ce papillon pour symboliser la transformation et la prise de pouvoir qui se produisent lorsqu’une victime devient une survivante.
Je répète pour ceux du fond qui n’aspirent qu’à m’échapper pour filer au bar :
« lorsqu’une victime devient une survivante. »
Enfin, mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, tout n’est pas vain dans ce beau pays. Notre mâle président et ses fiers ministres ont décidé, en l’honneur de Virginia Roberts, de mettre en berne les drapeaux dans les lieux publics, histoire de rappeler au monde que la cause des femmes est, avant tout, une cause laïque.
Sœur Bertine