Le prêche du 11 mai 2025
Notre liberté réside dans les interstices que nous abandonnent leurs querelles
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
Ce matin, j’ai le bourdon. Hier, c’était les abeilles. Alors je suis sorti manger et boire, chez quelques bons amis. C’était une nouvelle occasion de virevolter au milieu d’âmes égarées, d’échanger quelques délicatesses, manger de surprenantes réalisations, et aussi d’admirer quelques profils de déesse. Après m’être pieuté du côté des deux heures du matin, je me suis réveillée à six en pensant à vous et à ce prêche que vous attendez tous dans la ferveur.
Nous y voila !
Dans ces soirées, il y a toujours les révoltés de service qui, entre deux verres de gros rouge, se répandent en invectives sur tout ce qui les gouverne. De ces zozieaux, y en a plein les réseaux sociaux, des qui « partagent » quelques pensées acides qu’ils n’auraient pu avoir tout seul. Ils ont leurs formats d’expression, leurs têtes de Turc. C’est toujours un peu les mêmes qui servent de cible : le gros bouffon répugnant d’Amérique, la dame propre sur elle de l’Europe, j’en passe.
Dans mes préférés, il y a Manu. Faut dire qu’il a la tête de l’emploi, le gaillard. Je crois n’avoir jamais croisé quelqu’un me disant du bien de Manu. Ça tient du prodige. On aurait pu inventer le verbe honnir rien que pour lui.
Personnellement, je crois que Manu et ses copains occupent l’espace médiatique rien que pour donner du grain à moudre aux serviles rebelles des salons cossus. Si on n’opposait que le vide aux laborieux qui font tourner la machine, il finiraient par se poser la question qui tue : qu’est-ce que je fout là ?
Et ils jetteraient par la fenêtre leurs illusions, leurs dettes, leurs congés payés, leur familles, bref, leurs outils d’asservissement. Et le monde qu’ils honnissent s’effondrerait. Ce serait ballot.
Mes chères sœurs, mes chers frères, reconnaissons le : la « tête à claques politique » est un rouage essentiel à la régulation sociale. Le rebelle se considère comme libre penseur, et pendant qu’il médit et maudit, il ne fait pas de connerie.
Parmi les rebelles, j’apprécie particulièrement les complotistes. Ils se rêvent un monde où les puissants se tiendraient sagement par la main pour ponctionner nos énergies. C’est une vision joliment fantasmée de l’infâme pyramide des ambitions débridées qui nous compose. Le monde n’est qu’un ramassis de requins acharnés à s’élever au-dessus de la fange. Nicolas Machiavel a tout dit sur le sujet.
Les puissants se détestent au point de régulièrement propulser le manant sur les champs de bataille, lequel s’y rend en chantant. Il était temps qu’il se dégourdisse un peu les pattes.
Ne nous y trompons pas : notre liberté réside dans les interstices que nous abandonnent leurs querelles.
Tout ça pour conclure, moi qui n’aspire qu’au salut de nos âmes, abandonnons cette logorrhée abrutissante de la colère, génératrice de frustration et de dégoût. Cela procède de la simple écologie mentale.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, n’oubliez-pas : le cynisme n’est qu’un ersatz de l’intelligence. Ici-bas, seul le poète baigne dans la raison.
Sœur Bertine