Le prêche du 8 juin 2025
Et ben maintenant, ils ne peuvent plus.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
Aujourd’hui, c’est le 388e anniversaire de la publication du « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » de René Descartes.
Bien conduire sa raison. Chercher la vérité dans les sciences. C’est amusant de lire ça aujourd’hui, au siècle des calembredaines. Calembredaines du verbe, de l’image, de la morale, et donc de la législation.
À ce propos, mes bien chers frères, cette semaine j’ai beaucoup pensé à vous. Un évènement majeur s’est produit dans la vie de, paraît-il, plus de sept millions d’habitants de ce beau pays. Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés privés de sites de boules. Yalo, la maison mère de ces joyaux du web, fidèle à son modèle, nous a mis à égalité avec le Texas en fermant ses trois sites.
Entendons-le : l’accès à la pornographie est à une société ce que le thermomètre rectal est au corps humain. Ça vous indique la température générale de la bête.
Lorsqu’un garçonnet de huit ans regarde son grand frère de dix-huit lutiner sa sœur de quatorze en regardant un film de culte sur l’ordi non protégé des parents, on parle de fièvre.
Lorsque la censure à tout-va garantit, par le silence, l’impunité des délits sexuels commis sur ces mêmes enfants, on parle d’hypothermie. La paix civile est au prix d’un bel équilibre.
En effet, au milieu il y a le laborieux, le mec qui, entre son boulot, les dettes, les gosses qu’il n’aurait jamais dû faire, sa femme qui tire la gueule, essaye de placer ce qui lui reste de sexualité. Comprenant que prendre maîtresse est une folie, que la fille de joie est hors de prix, il échappe à la vulgarité de sa condition par un onanisme de bon aloi. Arrivé à ce stade, avoir à prouver qu’il reste un adulte l’indispose considérablement. Chacun de nous peut et doit comprendre, notre dignité est notre bien le plus précieux. Cela vaut pour les regards des autres, mais aussi pour celui que l’on porte à soi-même. Rappelez-vous : l’écologie mentale.
Pour moi, humble pécheresse, un film de cul réussit l’exploit d’unir, à poil sur un même plateau, des hommes que j’évite avec soin à des femmes que je n’aimerais pas être, pour des scènes dont je m’abstiens aisément.
Le pire, dans tout ça, est que nous venons d’assister à la fermeture des meilleures écoles de tout le pays. Comprenez qu’en matière d’éducation sexuelle, les institutions se débinent en cherchant qui elles pourraient bien taxer, les parents regardent leurs pompes en rougissant, les médias font « Bip ! » sur les passages hardcore, et les jeunes garçons n’ont plus qu’à compléter leur indispensable formation sur le net, comme ils savent mieux le faire que tous ces vieux cons qui parlent de filtrer les mineurs.
Les filles, sauf exception, apprennent sur le tas, avec leurs premiers partenaires. Tout un programme…
Il n’empêche, le film de boules, c’est l’école de la violence et de la soumission. C’est de ça dont sont faits les programmes d’éducation sexuelle de la République. Mais il ne faut pas se plaindre, les acteurs du secteur sont formels, on peut descendre beaucoup plus bas dans l’ignominie pornographique. Enfin, je dis « nous »… Les jeunes, pas les vieux croûtons légiférant.
Parce que, en fait d’abjection, le problème dépasse largement le pornographe. Les nuances de la soumission se conjuguent en gris, dit-on. Il paraît même que des adolescentes se piquent à croire que leurs plaisirs résident dans le masochisme. Savent-elles seulement que les victimes atteignent le paroxysme en reproduisant les protocoles les ayant menées à leur déchéance ?
C’est con, parce qu’au milieu de tout ça, il y a un tas de braves gens. Bébère, Léon, Mauricette, tous autant qu’ils sont, ils aiment bien se palucher en solo de temps en temps, histoire de se débarrasser de toute cette pression, jusqu’à la prochaine fois. Et ben maintenant, ils ne peuvent plus, pour faire semblant de protéger les mineurs.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, allez en paix, faites la sieste de la manière qu’il vous plaira. Je sais au moins que vous ne regarderez pas des cochonneries à la télé, sauf vos enfants, évidemment.
Sœur Bertine