Le prêche du 1 juin 2025
Passons de : "Qui suis-je ?" à : "Que suis-je ?"
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
Un fidèle parmi les fidèles m’a suggéré de m’exprimer sur le cas de ce bon docteur Phuoc-Vinh Trans, gynécologue à la retraite, accusé de viols par une centaine de femmes. L’animal, après lui-même sans doute, essaie d’embobiner ses juges en expliquant qu’il ne leur voulait que du bien.
Je me garderai bien de qualifier l’individu, sautant avec autant d’aisance par-dessus la notion de consentement, mais je prends note : ce type possède une vision de la femme suffisamment décalée pour s’imaginer pouvoir – devoir – les satisfaire pendant ses séances rémunérées de gynécologie. On en pense ce qu’on veut, mais ça reste du Grand Délire.
Depuis l’avalanche de révélations provoquée par la libération de la parole des femmes, on est en droit de se demander : quel secteur d’activité humaine est épargné par ces débordements glandulaires ? La médecine, le sport, les religions, les arts, la politique, le, la, les... Quoi, j’en oublie ? Sûrement.
Pourquoi voudriez-vous qu’un secteur où les hommes se mélangent aux femmes échappe à la règle ?
Tout ça n’est qu’affaire de visions masculines. Que voit un couillu devant une danseuse, une gymnaste, une pauvre fille les jambes écartées sur une table d’auscultation ? J’en passe.
Ces expériences font parfois passer la femme de la question : "Qui suis-je ?" à la question : "Que suis-je ?"
Nous ne sommes pas nous-mêmes en présence d’un homme. Nous ne sommes que la projection érotique d’un mâle, plus ou moins en rut, à l’instant où nous le croisons. Dès lors, notre avenir dépend du contexte et de son état mental.
Vous pensez que j’exagère ? Que la culture et les arts nous sauvent ? Alors, comment faire abstraction de la vision avilissante de la femme développée par les surréalistes du XXe siècle, ces Man Ray et autres Fred Sexton, flottant dans les effluves sanglants d’un Dahlia Noir, œuvre surréaliste de sinistre mémoire ? Sans oublier les acolytes aux visions tout aussi torturées : ce Luis Buñuel, ce Salvador Dalí. Ils ne sont que des exemples malsains d’une culture tout simplement sexiste.
J’emploie le mot "culture" en pensant à ce qui se fait de mieux sur cette planète délirante. Je vais vous épargner toute allusion à ces nations primitives où la femme n’est qu’une merde dont on abuse tout de même. J’ai un couteau tranchant pour ça.
Si j’essayais d’exprimer un paradoxe poétique de notre situation, ça donnerait :
« À chaque fois qu’un homme s’imagine en situation de domination sur une femme, il a des a priori sur elle, pour elle. Alors, il s’immisce au carrefour de ses rêves. »
Mes bien chères sœurs, immanquablement, notre position sociale n’est pas reluisante. De près ou de loin, nous avons toutes un prix pour les hommes : l’énergie pour nous obtenir, le coût de notre entretien, la charge de notre éviction. Nous passons dans la vie des hommes comme des objets que l’on acquiert, dont on jouit, puis que l’on jette. Sans oublier les gamins qu’on se ramasse au passage.
Certaines finissent boniches d’un connard acariâtre, d’autres anges déchus réduites à la solitude, filles d’un coup, mères de famille, victimes expiatoires, punching-balls affectueusement chéris, morceaux de viande arrangés dans un terrain vague... Que sais-je ? En tout cas, un truc bien loin de nos aspirations initiales — si nous en avions.
Tout au long de notre existence de femelles, nous jouons les rôles que, dans le meilleur des cas, l’on nous enseigne. Les plus culottées en jouent. Je me flatte d’en faire partie. Cela part d’un constat : l’homme est joueur, et la femme trop sérieuse. Normal, c’est elle qui se retrouve en cloque.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, sur ces bonnes paroles je vous souhaite un dimanche réflexif plein de délicieux raffinements.
Sœur Bertine