Le prêche du 22 juin 2025
Les mots creux se ramassent à la pelle.
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères,
Le monde politique est-il fait de gens intellectuellement dérangés ? Ou, plus simplement, de girouettes habiles à prendre le sens de leurs intérêts ? Certains citoyens prétendent qu’ils ne sont que les marionnettes des riches pour amuser les laborieux pendant qu’on les dépouille — une hypothèse que les faits n’infirment pas.
À titre d’exemple, je lisais dernièrement dans la presse l’histoire de cet ancien président de la République s’étant fait prendre les doigts dans le pot de confiture. Après des décennies de contorsions juridiques, toujours amusantes à observer venant de personnes adeptes des comparutions immédiates et des nettoyeurs sous pression, notre indélicat s’est finalement retrouvé condamné. Manifestement, il y a des esprits retors dans la magistrature de notre belle République.
Bon, faut pas dramatiser ni déconner. Là où un basané aurait pris quinze ans, le pauvre n’a pris que trois semaines de bracelet. Premier amusement : notons qu’entre impunité et immunité, il n’y a qu’une lettre qui change. La langue française est belle à se la rouler sous la langue.
L’article, donc, parlait de légion et d’honneur. En s’associant, les deux mots désignent une décoration prestigieuse avec tous ses avantages, que l’asticot à l’ego hypertrophié a obtenue grâce à ses puissantes relations.
Comme la condamnation, toute théorique, que notre héros s’est prise par le travers atteint un an ferme — on ne rigole pas au fond, merci — aux yeux du règlement accompagnant cette mascarade décorative, notre héros, disais-je, a perdu suffisamment d’honneur pour devoir la rendre. Bon. Il n’y a pas de quoi en faire un fromage, mais la suite est amusante.
Quelques historiens chagrins ont recherché des antécédents à cette pénible déchéance et sont tombés sur un maréchal de méchante réputation. Il n’en fallait pas plus pour qu’une poignée de communicants saute sur la comparaison et s’adonne à des réflexions qu’un gamin de huit ans n’aurait pas osées. Voici quelques extraits :
Venant de l’homme le plus impopulaire de France :
« De mon point de vue, de là où je suis, je pense que ce ne serait pas une bonne décision »
— de lui retirer sa décoration, pour les distraits.
Déjà, je pose deux questions : peut-on avoir un point de vue de là où l’on n’est pas ? Est-ce à ça qu’on reconnaît un homme politique ? Ensuite, plus naïvement, je croyais qu’une règle ne se décidait pas mais s’appliquait. À moins que les règles ne s’appliquent pas à tous, et qu’une décision d’opportunité s’impose au cas par cas. Sacré Manu !
Allez, une autre, émanant d’une indignée de service :
« [Je suis] un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison. »
Évidemment, c’était inévitable : à comparer deux délinquants, on se heurte à des comparaisons incomparables. Ils ont tous les deux franchi une même limite, en quoi cela pose-t-il problème, madame la moraliste ?
Ah ! Il y a des nuances dans le déshonneur ? Eh bien c’est hors sujet : nous parlons d’une jauge franchie par deux athlètes incomparables, pas de niveaux d’ignominie.
Mieux encore, venant d’un communicant plein de ressources :
« C’est une règle, mais c’est aussi une honte. »
Celle-là, je l’aime beaucoup, mais je ne l’ai pas bien comprise. Qu’est-ce qui est honteux : l’existence d’une règle d’éthique relative à l’honneur, ou le fait de s’être déshonoré dans l’exercice de ses fonctions ? L’expression prête à confusion. Ah ! C’est voulu, c’est du clair-obscur…
Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères, protégez votre esprit des méfaits de la politique.
Entre ceux qui ne se relisent pas et ceux qui nous expliquent que leurs valeurs changent de couleur en fonction du niveau social de l’intéressé, nous, les simples, ne pouvons qu’avoir du mal à dégager une morale de l’ensemble.
Quoi ? Nous ne comprenons pas pourquoi la jeunesse va mal ? C’est l’effet délétère des litanies de mots creux déversés sans relâche.
Sœur Bertine